Béatrice Desgranges (1955-2021) et ses 200+ publications scientifiques ont été à l’origine d’avancées notables dans le monde de la neuropsychologie et de l’imagerie de la mémoire humaine.
Avec l’âge, il est normal que la cognition soit moins performante. Pourtant, il suffit d’un seul prénom oublié pour que l’appréhension de la maladie d’Alzheimer (MA) suive de près. Certaines personnes âgées – ou leurs proches – voient cela comme une fatalité inéluctable. L’enjeu devient alors de la diagnostiquer au plus tôt pour retarder au maximum les effets de la maladie. Il est vrai que sa prévalence augmente avec l’âge, passant de 2 % avant 65 ans à 15 % à 80 ans. Par ailleurs, le nombre de personnes diagnostiquées avec un déclin cognitif léger amnésique (aMCI) – signe avant-coureur de la maladie d’Alzheimer – augmente.
Toutefois, certains patients aMCI restent stables et d’autres reviennent à la normale. Autrement dit, des personnes présentant des troubles cognitifs évocateurs de la MA peuvent ne jamais la développer, ce qui constitue un biais de surdiagnostic (personnes diagnostiquées à tort).
La croyance populaire engendre un biais
Il avait déjà été démontré que les performances des personnes âgées lors de « tests de mémoire » étaient moins bonnes s’ils avaient connaissance que des personnes plus jeunes passaient ces mêmes tests en même temps qu’eux. La peur de confirmer la croyance culturellement partagée selon laquelle la personne âgée développe forcément des troubles cognitifs sévères crée une pression supplémentaire. A cause du stress engendré par ce stéréotype, certaines personnes âgées obtiennent de moins bons résultats aux tests.
Mais alors, les stéréotypes négatifs sur le vieillissement altèrent-ils les performances cognitives des personnes âgées, au point de les faire diagnostiquer à tort aMCI ? Pour tenter de répondre à cette question, Béatrice Desgranges et son équipe ont mené un essai clinique randomisé de 4 ans mesurant stress et performances cognitives.
Dans cette étude, la moitié des patients passent les tests cliniques dans les conditions habituelles et l’autre moitié (triée aléatoirement) est sensibilisée à la menace du stéréotype avant de réaliser ces mêmes tests. Pour cela, il leur est proposé une vidéo pédagogique sur l’impact des stéréotypes négatifs pendant un parcours d’évaluation. De plus, le stress de tous les participants a été mesuré pour évaluer ensuite le lien avec les performances cognitives.
L’étude AGING a été menée dans 4 hôpitaux nationaux, dont 2 normands : Caen et Rouen. Les derniers patients ont intégré l’étude en septembre 2022 et les résultats définitifs seront analysés au printemps 2023. Les premiers résultats suggèrent déjà que la menace du stéréotype a bien un effet délétère sur les performances des personnes âgées qui consultent.
La menace du stéréotype ne touche pas que les personnes âgées et leur mémoire. Elle a également été identifiée lorsque garçons et filles sont testés sur leurs compétences scientifiques à l’école : les résultats des filles sont moins bons quand elles passent les examens de maths en même temps que les garçons car elles se croient moins douées dans ce domaine.
Quand on sait que la simple compréhension de ce biais permet de le réduire, on comprend l’intérêt d’en parler !
Le 11 février, c’est la Journée internationale des Femmes et des Filles de Sciences. À cette occasion, l’association Terminus des Sciences organise une enquête urbaine le samedi 11 février à partir de 15 heures, au départ de la Scène des Halles (gratuit) et une projection-débat au cinéma le Palace le lundi 13 février, à 20 heures (entrée : 4 €). Pour plus d’informations: contact@terminusdessciences.fr