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« Le savoir seul est stérile et ne permet pas le progrès. L’instrument du savoir c’est l’intelligence ou la raison, celui de l’imagination c’est l’instinct ou le cœur » selon Pascal, et à cet aune de l’imagination, le grand penseur fait figure de visionnaire comme le prouve l’ensemble de ses contributions aussi bien en sciences qu’en philosophie.

En particulier, Pascal peut être crédité de deux innovations obligatoires qui permettent d’envisager aujourd’hui l’intelligence artificielle (IA) : il met au point le premier calculateur mécanique de l’histoire et il développe les premiers rudiments du calcul des probabilités.

Pascal physicien et ingénieur

En 1631, Le jeune Blaise a 19 ans et la famille s’installe à Rouen où son père est nommé par le cardinal de Richelieu commissaire délégué pour le recouvrement de l’impôt et la levée des tailles, taxes très impopulaires de l’Ancien Régime. Afin de faciliter le fastidieux travail paternel, Blaise invente la première machine à calculer qui permet d’effectuer mécaniquement des additions et des soustractions de deux nombres ainsi que des multiplications et des divisions par répétition.

Une pascaline, signée par Pascal en 1652, au musée des arts et métiers du Conservatoire national des arts et métiers à Paris.

Elle fonctionne grâce à un système de six roues à engrenages et comporte un cliquet ou sautoir qui reporte automatiquement les retenues des opérations. La Pascaline, trop chère à la vente, s’avèrera un échec commercial.

Pascal statisticien

En 1654 Pascal initie une discipline nouvelle qu’il appelle la géométrie du hasard. C’est une méthode qui éclaire le problème de la chance aux jeux de hasard et cela constitue le premier pas dans les calculs statistiques dont il peut être considéré le pionnier. Dans son Traité du triangle arithmétique, Pascal explique la technique des calculs appelés aujourd’hui des probabilités, il introduit en particulier le raisonnement par récurrence omniprésent en mathématiques.

Un ordinateur d’une part, une méthode de calcul statistique d’autre part, voila les deux ingrédients nécessaires pour développer une intelligence artificielle (IA).

Qu’est-ce que l’IA ?

L’IA est la faculté d’une machine artificielle (un ordinateur) à démontrer des propriétés qui égalent ou même dépassent le cerveau humain. L’IA est à la mode. Pour maîtriser la complexité du monde, les physiciens, qui ont la haute main sur les techniques de calcul statistique, ont élaboré la simulation dite de Monte-Carlo, en référence au jeux de hasard des casinos. C’est la méthode de choix pour évaluer la possibilité de réalisation d’un problème gouverné par un grand nombre de paramètres corrélés, chacun étant astreint à suivre une loi compliquée de probabilités.

En pratique, on sait déjà qu’un ordinateur bat au jeu d’échecs le champion du monde, car il peut calculer à grande vitesse tous les mouvements envisageables et sélectionner le choix gagnant. L’IA se retrouve aussi en reconnaissance faciale ou dans la conduite d’une voiture autonome. Notons que l’IA analyse nos comportements, par exemple à travers nos utilisations d’Internet, pour ensuite favoriser nos goûts ou nos habitudes et ainsi canaliser nos choix futurs, ce qui in fine contraint notre liberté. Alors l’IA peut-elle émuler l’homme dans toutes ses activités ?

Les exemples d’application de l’intelligence artificielle reposent sur des manipulations algorithmiques de plus en plus sophistiquées, sans savoir si l’IA peut aller au-delà de simples calculs pour faire preuve de l’imagination qui demeure « le moteur essentiel pour faire progresser les idées ».

L’IA peut-elle être créatrice ?

L’ambition des promoteurs de l’IA n’est ni plus ni moins que de cloner le cerveau humain. Or celui-ci est capable non seulement de manipuler des savoirs, mais il sait aussi concevoir des pensées nouvelles, qui lui permettent d’explorer les domaines de l’art, des mathématiques, de la morale, du concept de Dieu… ce qui le différencie a priori d’un ordinateur qui n’accomplit que les opérations qu’on lui soumet. S’il y a une création de pensée en bout de chaîne des algorithmes, la méthode opératoire d’une machine copie celle du système nerveux et un super ordinateur pourra développer une IA. Sinon, l’IA sera limitée à une intelligence servile.

Notons que la créativité qui prend son origine dans l’intuition se libère du déterminisme strict des lois de la physique classique pour donner sa chance à un hasard, au moins apparent. Le hasard semble être l’instrument de la créativité, or il y a du hasard dans une vie humaine, mais il n’y en a pas a priori dans un ordinateur, sinon celui des pannes électriques qu’on ne peut guère imaginer créatrices.

Les moteurs de recherche aujourd’hui disponibles recèlent déjà infiniment plus de connaissances que le cerveau de Pic de la Mirandole. Il reste à savoir si un jour un robot très évolué pourra concurrencer Pascal au niveau de l’inventivité. Laissons-lui le dernier mot. Dans ses Pensées, il écrit, en prenant des accents de prophète : « La machine arithmétique fait des effets qui approchent plus de la pensée que tout ce que font les animaux. Mais elle ne fait rien qui puisse faire dire qu’elle a de la volonté, comme les animaux ». Or c’est la volonté, critère de la liberté du vivant, qui amène à la création tant artistique que scientifique. Ainsi pour Pascal, l’objectif affiché de l’IA semble un leurre.

Source : https://theconversation.com/blaise-pascal-et-les-premices-de-lintelligence-artificielle-152056
Conférence le 22/04/2022 sur l’IA à Ludiver: https://ludiver.lecotentin.fr/conference-intelligence-artificielle/

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