On savait que les corbeaux étaient des oiseaux très intelligents. Voilà qu’on découvre qu’ils ont des réseaux de neurones très spéciaux. Chez au moins trois espèces de corbeaux, des chercheurs ont récemment identifié un nombre « inhabituellement élevé » de cellules dans le cerveau impliquées dans le « traitement de l’information ».
Plus précisément, parmi les volatiles de six espèces (dont l’autruche et le pigeon) examinés par ces chercheurs, les corbeaux sont ceux qui possèdent le plus grand nombre d’interneurones, les neurones qui « transmettent » les signaux entre les différents « réseaux ». Ils sont pour cette raison au cœur de la prise de décision, de la planification des tâches ou de l’évaluation des risques d’une tâche.
Les corbeaux ont 290 millions de ces interneurones, contre 124 millions pour l’autruche et 40 millions pour le pigeon et le poulet. La différence avec les autruches surprend d’autant plus que leur cerveau fait le double du poids de celui d’un corbeau. Les humains, en comparaison, ont environ 1,3 milliard d’interneurones.
Rappelons que les corbeaux font partie de ces rares animaux qui peuvent se reconnaître dans le miroir. Ils peuvent utiliser un outil pour aller chercher un morceau de nourriture dans un endroit difficile d’accès. Ils peuvent planifier des tâches. Il n’est donc pas inattendu d’en trouver une trace mesurable dans leur cerveau, encore que ça n’explique pas pourquoi cet oiseau a évolué dans cette direction et pas le pigeon, par exemple. Ça ouvre toutefois une petite porte sur une éventuelle meilleure compréhension de ce qui, dans nos propres cerveaux, a pu commencer à faire la différence, il y a quelques millions d’années.
Ce qui est aussi particulièrement intéressant, c’est de constater que comme les primates, les corvidés ont une vie sociale riche et complexe où la capacité de déchiffrer les comportements futurs des autres individus s’avère d’une grande importance. Les corbeaux forment ainsi des groupes de nombreux individus pendant plusieurs années avant de se mettre en couple et de s’établir sur un territoire pour se reproduire. Étant charognards, ils ont dû aussi subir de grandes pressions évolutives pour gérer leurs rares trouvailles d’animaux morts, comme la cacher plus ou moins rapidement selon qu’ils se croient ou non observés par un congénère.
Autrement dit, on avait plusieurs théories mettant en avant les interactions sociales pour expliquer le développement rapide de l’intelligence humaine durant l’hominisation. On a désormais des indices qui portent à penser que les mêmes pressions évolutives émanant de la vie en groupes organisés ont pu favoriser les capacités cognitives étonnantes des corvidés. Tout cela réduit encore un peu plus la soi-disant spécificité de l’intelligence humaine. Toute proportion gardée, évidemment puisque le cerveau du corbeau comptant environ 2 milliards de neurones et le nôtre 86 milliards.