You are currently viewing [La « vérité » en science : Marie Curie et le piège du potassium-40]

Rigueur et observation sont les deux qualités primordiales du chercheur. L’interprétation des résultats observés vient plus tard. Les exemples sont nombreux dans l’histoire de la recherche où la curiosité liée à l’observation a conduit à des découvertes importantes.

Comme cela a été décrit dans un précédent billet, Henri Becquerel découvre, en février 1896, les rayons uraniques, émis par des sels d’uranium. Marie Curie décide de s’intéresser à cette émission de rayonnements comme sujet pour le doctorat qu’elle entreprend. C’est un raisonnement de chimiste qui conduit Marie Curie à découvrir que ce phénomène est beaucoup plus général. En effet, que fait un chimiste qui veut étudier un phénomène qui touche un minerai d’uranium ? Il le purifie, pensant amplifier cet effet. Or, l’émission de radiations qu’elle obtient est, au contraire, plus faible !

Cette constatation la conduit à penser que la « gangue » du minerai contient des éléments plus « radioactifs » (c’est d’ailleurs Marie Curie qui invente ce mot) que l’uranium lui-même. À cette époque, sept éléments sont encore inconnus entre le bismuth (n° 83) et l’uranium (n° 92). Ces résultats sont consignés dans la première communication qu’elle présente à l’Académie des Sciences sur ce sujet, le 12 avril 1898. Mais y figure également un résultat d’expérience absolument inimaginable.

Dans le tableau regroupant les résultats constatés par Marie Curie, figure un signal indiquant une possible radioactivité émise par un sel de potassium qui ne contient que des éléments connus et plus légers que le bismuth. Marie Curie ne fait aucun commentaire sur ce résultat. C’est en effet inconcevable à l’époque. On peut toutefois penser qu’elle a dû faire et refaire l’expérience de nombreuses fois avant de l’indiquer ainsi. Toujours le même signal : l’expérience est reproductible.
C’est donc une « vérité » au sens scientifique du mot : ce n’est pas parce qu’on ne comprend pas un phénomène que celui-ci n’existe pas, à la condition qu’il soit reproductible.

Si Marie Curie ne donne aucune interprétation, c’est tout simplement parce qu’elle ne comprend pas. Elle préfère ne rien dire. On apprendra plus tard, mais beaucoup plus tard, lorsqu’on aura enfin compris que la radioactivité concerne tous les
éléments depuis le plus léger (l’hydrogène) jusqu’au plus lourd (l’uranium), que ce signal est dû au potassium-40, radioactif, certes, mais naturel, comme l’est le carbone-14 que l’on utilise en datation d’activités humaines venant d’une époque où il nous est impossible de dater les événements par d’autres moyens.

Marie Curie ne pouvait pas le savoir ni même l’imaginer mais le fait qu’elle consigne le phénomène dans sa publication est le signe de la grande honnêteté intellectuelle de la chercheuse qu’elle était. Mais ça, nous le savons tous depuis longtemps !

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