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Historiquement, la question fondamentale de l’approximation diophantienne est de déterminer avec quelle précision un nombre réel peut-être approché par des nombres rationnels.

Un nombre rationnel est un nombre qu’on peut exprimer sous forme de quotient de deux nombres entiers. Par exemple 1/2 ou 2/3 sont des nombres rationnels, bien que le premier puisse s’exprimer facilement 0.5 et que le second s’écrive 0.666666… sans qu’on n’en voie jamais la fin ! L’ensemble des nombres rationnels est noté « Q ». L’ensemble des nombres réels, noté « R », quant à lui, contient l’ensemble des nombres, rationnels ou non, qui ne sont ni imaginaires ni complexes. C’est donc le cas des deux exemples précédents, mais aussi de la racine-carrée de 2 ou de pi, qui ne peuvent pas s’exprimer sous forme de fraction d’entiers.

Ainsi, si un nombre réel algébrique α appartient à l’ensemble R/Q, l’approximation diophantienne consiste à déterminer le plus petit nombre  t positif pour lequel il n’existe qu’un nombre fini de solutions rationnelles p/q appartenant à Q à l’inéquation | p/q – α | < 1 / (qt+e) pour tout nombre réel e > 0.

Depuis la fin du 19e siècle, l’analogie entre corps de nombres (dont on a par exemple décrit les ensembles Q et R au-dessus) et corps de fonctions a joué un rôle crucial en géométrie arithmétique, laquelle consiste à s’attaquer à des problèmes arithmétiques en s’appuyant sur des outils de géométrie algébrique.

Cette analogie s’est naturellement prolongée dans un cadre plus géométrique où les variétés sur un corps de fonctions ont donné naissance aux variétés arithmétiques sur l’anneau des entiers d’un corps de nombres – en algèbre commutative, l’anneau des entiers est une construction que l’on peut obtenir à partir de tout corps de nombres en considérant ses éléments entiers. Par exemple, l’anneau des entiers de l’ensemble Q, noté « OQ » est l’ensemble des nombres entiers, noté « Z ».

La théorie d’Arakelov est un formalisme motivé par l’étude des équations diophantiennes. Elle exploite plusieurs compatibilités entre la géométrie algébrique de Grothendieck et la géométrie différentielle des fibrés hermitiens. Dans les années 1970, ses travaux ont été à l’origine de la compréhension du rôle que devaient jouer les plongements archimédiens du corps de nombres pour compacifier les variétés arithmétiques, donnant ainsi naissance à la géométrie d’Arakelov.

Ces idées ont été la source d’inspiration de nombreux travaux, dont ceux de Faltings sur la conjecture de Mordell. Parmi les ramifications de la géométrie d’Arakelov figure la théorie des pentes de Bost, qui a exercé une influence profonde sur la géométrie diophantienne en montrant comment obtenir des résultats explicites de manière intrinsèque et élégante. Elle a mis en lumière de nouveaux invariants arithmétiques comparables aux minima successifs de Minkowski, et qui sont plus maniables du point de vue géométrique.

Si on en parle aujourd’hui, c’est parce que l’Île de Tatihou recevait cette semaine, du 26 juin au 1er juillet 2023, les 31e Rencontres Arithmétiques de Caen, organisées par le Laboratoire de Mathématiques Nicolas Oresme de l’Université de Caen, dont le thème était « Théorie d’Arakelov et Géométrie Diophantienne ». Elles ont été l’occasion, pour une trentaine de participants, de s’attacher à ces notions à travers plusieurs sessions de cours et d’exposés, afin de faire progresser ces recherches fondamentales.

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