L’évolution biologique est traditionnellement un processus lent, guidé par la sélection naturelle au fil des générations. En laboratoire, les scientifiques ont appris à reproduire ce mécanisme sous forme d’évolution dirigée, en introduisant des mutations dans des gènes pour sélectionner les plus performants. Mais cette méthode, bien que puissante, reste limitée lorsqu’il s’agit de faire évoluer des protéines directement dans des cellules humaines. C’est dans ce contexte qu’intervient PROTEUS, une plateforme innovante présentée comme un accélérateur d’évolution cellulaire.
Développée par une équipe de chercheurs de l’Université de Sydney, PROTEUS (PROTein Evolution Using Selection) est une technologie open source permettant de faire évoluer rapidement des protéines dans des cellules de mammifères vivantes. Contrairement aux systèmes classiques qui utilisent souvent des bactéries comme hôtes, PROTEUS fonctionne dans un environnement cellulaire beaucoup plus proche du corps humain. Cela ouvre la voie à des applications biomédicales plus précises et directement transposables.
Le cœur de PROTEUS repose sur trois étapes clés : diversification, sélection et amplification, intégrées dans un cycle automatisé.
- Diversification génétique
Les scientifiques introduisent des mutations dans le gène d’une protéine cible. Pour cela, PROTEUS utilise des particules pseudo-virales appelées VLVs (virus-like vesicles), dérivées d’un virus inoffensif (un alphavirus) et modifiées pour délivrer des séquences mutées directement dans les cellules. - Sélection dans les cellules
Les cellules de mammifères infectées expriment les variantes de la protéine. PROTEUS est conçu de sorte que seules les cellules exprimant les protéines les plus fonctionnelles ou performantes permettent la réplication des VLVs. Ce mécanisme de sélection naturelle artificielle assure que seule une élite de protéines sera conservée - Amplification des meilleures variantes
Les VLVs produits par les cellules sélectionnées sont récoltés pour initier un nouveau cycle. En répétant ce processus sur plusieurs générations cellulaires, PROTEUS accélère l’évolution et permet d’obtenir des protéines hautement optimisées en quelques semaines, contre plusieurs mois ou années avec des méthodes traditionnelles.
L’un des grands avantages de PROTEUS est sa capacité à faire évoluer des protéines dans leur environnement cellulaire natif. Cela signifie que les interactions cellulaires, les modifications post-traductionnelles et les contraintes physiologiques sont prises en compte, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on utilise des bactéries comme Escherichia coli.
Autre atout, la flexibilité du système. PROTEUS permet de cibler une grande variété de fonctions, comme l’activité enzymatique, la reconnaissance de ligands ou encore la réponse à des médicaments. Il est même possible d’introduire des mutations de manière contrôlée grâce à des composés comme le molnupiravir, un analogue de l’ARN, pour augmenter le taux de diversification.
Enfin, l’aspect open source de PROTEUS est une décision stratégique. Elle permet aux laboratoires du monde entier d’adopter la technologie, de l’améliorer, et de l’adapter à leurs besoins spécifiques. Cette ouverture favorise la recherche collaborative et l’innovation dans un domaine en pleine expansion.
Ainsi, PROTEUS permet de concevoir des protéines plus performantes, plus sûres et mieux adaptées aux défis médicaux contemporains. Plus qu’un outil de laboratoire, c’est une accélération de l’évolution biologique au service de la médecine du futur, ouvrant la voie à de nombreuses applications :
- Biomédecine : optimisation de protéines thérapeutiques (anticorps, enzymes, récepteurs).
- Thérapie génique : amélioration des outils d’édition du génome comme CRISPR pour plus de précision.
- Immunothérapie : développement de nanocorps capables de détecter des signaux cellulaires comme les dommages à l’ADN.
- Diagnostic moléculaire : création de capteurs biologiques ultra-sensibles.