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Originaire de Valognes, Jules Pelouze est l’un des plus grands chimistes du XIXe siècle. Conscient que l’enseignement de la chimie est alors trop théorique, il ouvre à Paris un laboratoire, qu’il met à la disposition d’étudiants, d’ingénieurs et chercheurs. Il travaille avec les chimistes les plus prestigieux de l’époque.

L’année de la création de son laboratoire, il découvre la nitrocellulose, qui va inspirer deux de ses élèves, qui vont consacrer leur vie aux substances explosives. L’un Italien, Ascanio Sobrero (1812-1888), qui découvre en 1846 la nitroglycérine (composé très instable qui explose au moindre choc), l’autre Suédois, Alfred Nobel (1833-1896), qui passe un an dans le laboratoire parisien en 1850 alors que Jules Pelouze travaille sur le « coton-poudre », un explosif « plus stable ». Ce séjour et les enseignements que Nobel en tire le conduisent à tenter de mettre au point un procédé pour produire de la nitroglycérine à l’échelle industrielle. De retour à Stockholm, Alfred Nobel découvre accidentellement que lorsque la nitroglycérine est mélangée à une roche siliceuse appelée diatomite (ou « terre de diatomée »), elle devient beaucoup plus sûre à transporter et à manipuler. L’explosion nécessitant l’usage d’un détonateur qu’il met au point en 1865. La dynamite est alors brevetée par Nobel en 1867. Alfred Nobel s’installe à Paris de 1875 à 1881, où il acquiert à Sevran (Seine-et-Oise, à l’époque) une propriété proche de la Poudrerie nationale. Son laboratoire, situé derrière sa maison, va être le lieu de la découverte d’un nouvel explosif plus pratique d’emploi que la dynamite, la « dynamite-extra Nobel » (ou dynamite-gomme), dont l’emploi est proche du « plastic » d’aujourd’hui, même si la composition est très différente. Huit ans avant la mort de Nobel, un journal français, qui le confondait avec son frère Ludvig qui venait de décéder à Cannes, publie l’annonce prématurée de sa mort et fait une nécrologie terriblement négative, condamnant son invention de la dynamite. L’article affirmait : « Le marchand de la mort est mort. Le Dr Alfred Nobel, qui fit fortune en trouvant le moyen de tuer plus de personnes plus rapidement que jamais auparavant, est mort hier. » Dépositaire de plus de 350 brevets scientifiques de son vivant, propriétaire d’une importante entreprise d’armement et à la tête d’une immense fortune, ce jugement sur sa personnalité et sa vie le perturbe.

Voulant laisser de lui une image positive et étant sans héritier direct, il rédige alors au Cercle suédois et norvégien à Paris, en 1895 (soit un an avant son décès), son testament en léguant la quasi-intégralité de sa fortune pour la création d’un fonds dont les intérêts doivent être redistribués « à ceux qui, au cours de l’année écoulée, auront rendu à l’humanité les plus grands services. La nationalité des savants primés ne devant jouer aucun rôle dans l’attribution du prix ». Il décide du choix de cinq domaines : la physique, la chimie, la médecine, la paix et la littérature. C’est l’origine du Prix Nobel, dont les premiers seront attribués en 1901. En 1968, avec l’accord de la Fondation Nobel, la Banque de Suède a par ailleurs créé un Prix Nobel d’économie.

Depuis près de 120 ans, 806 lauréats ont été récompensés, dont 40 femmes. Il faut y ajouter 23 organisations. Seuls quatre scientifiques ont obtenu deux Prix Nobel, et Marie Curie est la seule à avoir reçu ses deux Prix Nobel dans deux disciplines différentes. La famille Curie est la seule aussi à se distinguer (et de loin) en affichant un palmarès (les parents Pierre et Marie Curie, leur fille Irène Joliot-Curie et son mari Frédéric Joliot) de cinq Prix Nobel. Aucune autre famille au monde, avec les mêmes critères de parenté, n’a fait mieux que deux Prix Nobel.

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