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Imaginez une forme, un dessin géométrique qui pourrait recouvrir une surface entière sans jamais se répéter, sans laisser d’espaces vides et sans se superposer. Les mathématiciens cherchent à savoir si une telle forme peut exister depuis 1961.

Dans les années 1970, le physicien et lauréat du prix Nobel Roger Penrose a découvert une paire de formes créant un pavage non répétitif. Ainsi, le carrelage Penrose n’utilise que deux carreaux pour couvrir la plaine sans aucun motif répétitif. Mais la question demeurait de savoir si on pouvait faire de même avec une seule et unique forme ? Par exemple, un losange assemblé à l’infini à d’autres losanges produira à un moment donné un grand losange…

La tuile qui répond à cette définition est officiellement appelée  » mono-tuile apériodique » et surnommée « einstein », qui signifie « une pierre » (« ein stein ») en allemand en l’honneur d’une personnalité scientifique célèbre.

En mars 2023, David Smith, ancien technicien d’imprimerie dans le Yorkshire (nord de l’Angleterre), a fait cette découverte étonnante : une forme à 13 côtés, surnommée « Le chapeau » pour sa forme vaguement similaire à un fedora, capable de paver une surface sans jamais se répéter. Les mathématiciens du monde entier s’accordent pour dire qu’il s’agissait d’une révolution. Un programme informatique a confirmé qu’il s’agissait bien du premier « einstein ».

Un seul bémol toutefois : le carreau en question devait être utilisé avec des alternances ponctuelles sur son côté pile pour maintenir la dimension non-répétitive. Pour créer ce pavage non répétitif, « le chapeau » (à gauche de l’illustration de l’article) devait donc travailler avec son image miroir. Même si c’était la même forme inversée, certains ont soutenu que Smith n’avait pas vraiment trouvé un véritable einstein.

Désormais, cette controverse est réglée puisque le retraité britannique de 64 ans, avec l’aide de trois mathématiciens, a démontré l’existence d’une forme capable de paver une surface sans se répéter ni être retournée. La pré-publication scientifique de cette avancée date du 28 mai 2023. Baptisée « Spectre », en hommage aux vampires qui ne peuvent voir leur propre reflet, la pièce compte 14 côtés en courbes (à droite de l’illustration de l’article).

Cette découverte est d’autant plus étonnante que « la réponse est tombée du ciel et des mains d’un amateur« , souligne Craig Kaplan, informaticien de l’Université de Waterloo (Canada), co-auteur de l’étude. Il n’aurait jamais prédit tomber sur une forme qui résoudrait ce sous-problème si rapidement « Et de la plus belle façon, grâce à un amoureux du sujet, qui l’explore en dehors de tout objectif professionnel« .

Si les deux articles scientifiques sont encore à l’étude dans des revues scientifiques avant publication, le monde des mathématiques n’a pas attendu pour commenter la nouvelle.

Pour Marjorie Senechal, mathématicienne au Smith College (Massachusetts), ce nouveau motif et ses variantes devraient « mener à une compréhension plus profonde de l’ordre dans la nature et de la nature de l’ordre« . Pour Doris Schattschneider, mathématicienne à la Moravian University (Pennsylvanie), les deux formes sont « impressionnantes« . Même le mathématicien et Nobel de physique 2020 Roger Penrose, spécialiste des tuiles apériodiques, doutait qu’un tel exploit soit possible, relève-t-elle.

La prestigieuse Université d’Oxford organise en juillet un événement célébrant cette découverte, le Hatfest (fête du chapeau), auquel participera Roger Penrose.

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