La théorie des jeux est une branche des mathématiques qui analyse les interactions stratégiques entre plusieurs acteurs rationnels. Elle a été popularisée par des penseurs comme John von Neumann et John Nash, et trouve des applications dans de nombreux domaines : économie, biologie, mais aussi politique internationale.
La théorie des jeux repose sur l’idée que les décisions prises par un acteur (ou joueur) influencent les résultats obtenus par les autres. Chaque acteur cherche à maximiser son gain ou minimiser ses pertes en tenant compte des stratégies possibles des autres participants. Les scénarios sont souvent modélisés sous forme de jeux, qui peuvent être à somme nulle, à somme non nulle, ou encore coopératifs.
Dans les Jeux à somme nulle, le gain d’un joueur est équivalent à la perte de l’autre. Les intérêts des joueurs sont donc directement opposés. Dans les Jeux à somme non nulle, au contraire, il est possible pour les deux parties de coopérer et de trouver des arrangements mutuellement bénéfiques. Les négociations diplomatiques en sont un bon exemple. Dans les jeux de coopération, enfin, les joueurs peuvent former des coalitions pour maximiser leurs gains collectifs. Les alliances militaires peuvent être vues sous cet angle puisque les membres collaborent pour assurer leur sécurité collective.
L’une des applications les plus claires de la théorie des jeux en géopolitique est la dissuasion nucléaire. Pendant la guerre froide, les États-Unis et l’URSS étaient engagés dans un jeu de type « dilemme du prisonnier », où chaque camp avait intérêt à dissuader l’autre de lancer une attaque, tout en étant prêt à riposter. A cette période de l’Histoire, les enjeux étaient tels que si les deux belligérants avaient investi dans la recherche, l’éducation et la santé, ils auraient tous les deux considérablement amélioré les niveaux de vie de leurs populations. Mais si un seul avait investi dans l’armement nucléaire, il aurait été en capacité de détruire son ennemi… Ainsi, les deux ont renoncé à ce développement de leur économie pour conduire à une situation de guerre froide parfaitement régie par le dilemme du prisonnier. Chaque camp devait convaincre l’autre qu’il réagirait à toute agression nucléaire, même si cela entraînait sa propre destruction.
La théorie des jeux est aussi utilisée pour comprendre la compétition autour des ressources naturelles. Par exemple, dans les jeux d’enchères, plusieurs pays peuvent se disputer l’accès à des ressources énergétiques ou minières. Chaque pays tente d’évaluer la stratégie de ses rivaux et de maximiser son propre bénéfice sans trop investir inutilement. Cela peut être observé dans les tensions pour le contrôle des zones riches en hydrocarbures, comme en mer de Chine méridionale.
En modélisant les choix stratégiques, la théorie des jeux aide les décideurs à évaluer les conséquences potentielles de leurs actions. Par exemple, lors des négociations internationales sur le climat, chaque pays doit choisir entre coopérer (réduire les émissions) ou agir de façon unilatérale pour protéger ses propres intérêts économiques. Ce genre de dilemme peut être résolu par des mécanismes de coopération fondés sur la confiance mutuelle.
Cependant, la théorie des jeux n’est pas une solution universelle. Elle repose sur l’hypothèse que les acteurs sont rationnels et qu’ils disposent de toutes les informations nécessaires. En réalité, les décideurs peuvent être influencés par des émotions, des biais cognitifs, ou des informations incomplètes. Ainsi, la théorie des jeux permet certes d’éclairer les choix des nations face à des conflits ou des coopérations potentielles, mais elle n’élimine pas la part d’imprévisibilité inhérente à la géopolitique.