Sur les 90 éléments naturels que renferme notre planète, 12 seulement étaient isolés et identifiés à la fin du XVIIe siècle. Au cours des siècles suivants, le plus grand nombre d’éléments découverts ou isolés reviennent aux Français (20 éléments), devant les Allemands et les Anglais (17 éléments) puis les Suédois (16 éléments). Diverses nationalités se partagent la dizaine d’autres.
Parmi les éléments découverts par les Français, l’iode qui occupe la case 53 sur la classification des éléments. Il a été découvert en 1811 par le chimiste Bernard Courtois (1777-1838). Fils du chimiste Jean-Baptiste Courtois (1748-?), il est l’un des premiers élèves de l’École Polytechnique (1898). Revenu à la vie civile après avoir été incorporé dans le service de Santé des Armées, il découvre la morphine en 1801, en l’extrayant de l’opium. Son père avait été l’un des premiers à créer une salpêtrière artificielle, c’est-à-dire un lieu de production de salpêtre. Il était utilisé essentiellement pour la fabrication de la poudre à canon. En 1805, Bernard Courtois change d’orientation pour reprendre en main la société paternelle. Le carbonate de sodium nécessaire à la production de salpêtre était obtenu en brûlant des algues dont les cendres étaient mélangées à de l’eau afin d’y dissoudre le carbonate. Les résidus inutiles de cendres étaient alors éliminés par de l’acide sulfurique.
Alors qu’il ajoute cet acide, en fort excès, de façon accidentelle, Bernard Courtois observe la formation de vapeurs violettes qui se condensent sur les parois froides en cristaux de couleur violet foncé. Il pense qu’il s’agit d’un nouvel élément mais n’ayant ni le temps ni les moyens financiers de conduire des recherches, il s’adresse alors à deux grands chimistes de cette époque, Louis-Joseph Gay-Lussac et Humphry Davy, auxquels il confie des échantillons de ces cristaux inconnus.
Ces deux savants confirment son hypothèse: il est bien l’inventeur d’un nouvel élément auquel Gay-Lussac propose le nom d’iode, du mot grec «iodes» signifiant «couleur violette». Très rapidement, ces deux chercheurs vont mettre en évidence les analogies de comportement chimique entre cet élément et le chlore. En 1823, le chimiste François-Benoît Tissier (1803-1873), embauché à Cherbourg dans l’usine Couturier qui produit de la soude raffinée à partir de varech, met au point un procédé industriel de fabrication de l’iode. En isolant 400 kg/an d’iode en 1825, Cherbourg devient ainsi la première ville au monde productrice de cet élément.
Des circonstances indépendantes du succès de l’entreprise ont amené celle-ci, en 1828, à interrompre sa production et François-Benoît Tissier va accepter la proposition du député du Finistère Jean-Pierre Guilhem de s’installer au Conquet. Au XIXe siècle, une trentaine d’usines s’implantent en Bretagne et Normandie (Granville en 1832, Cherbourg reprend ses activités à la même époque), faisant vivre des milliers de personnes.
Première ville au monde à produire ce nouvel élément Granville sera contrainte à fermer en 1839 alors que Cherbourg continuera sa production. La production française atteindra plus de 100 tonnes d’iode par an en 1925 mais la crise de 1929 et l’iode du Chili vont sonner le glas des usines françaises productrices d’iode à partir d’algues. Elles s’éteindront à l’aube de la seconde guerre mondiale.