Découvert dans le Moyen Atlas marocain, Spicomellus afer était déjà connu des paléontologues depuis 2021 grâce à un fragment osseux atypique. Mais de nouvelles fouilles ont récemment permis de mettre au jour un squelette bien plus complet, révélant un animal fascinant, à la fois par son anatomie inédite et par son importance évolutive.
Une nouvelle étude publiée dans Nature datée du 27 août 2025 positionne ce dinosaure méconnu au cœur de la compréhension des dinosaures cuirassés. Spicomellus afer vivait il y a environ 165 millions d’années, durant le Jurassique moyen, ce qui en fait l’ankylosaure le plus ancien connu. Ce groupe de dinosaures, les ankylosauriens, est célèbre pour ses membres robustes, son armure corporelle et, pour certains, leur massue caudale. Il est souvent opposé aux stégosauriens, avec lesquels il partage une origine commune au sein des Thyréophores, un groupe de dinosaures ornithischiens.
Mais Spicomellus n’est pas un ankylosaure ordinaire. En effet, il présente une particularité morphologique encore jamais observée : ses piques sont directement fusionnées à son squelette, en particulier aux côtes. Cette caractéristique contredit les modèles classiques, où l’armure est constituée d’os dermiques indépendants. Ici, l’armure fait partie intégrante du squelette !
Les nouveaux fossiles mis à jour montrent que Spicomellus était littéralement bardé de piques et de plaques osseuses :
- Un collier osseux autour du cou, couvert de longues pointes.
- Des piques de plus de 80 centimètres le long des flancs, du dos et de la queue.
- Des vertèbres caudales fusionnées, suggérant la présence précoce d’une arme à la queue, bien avant l’apparition des massues classiques.
Cette disposition en fait probablement l’un des vertébrés les plus lourdement protégés de l’histoire, rivalisant avec certains reptiles actuels comme les crocodiles… mais avec des épines beaucoup plus spectaculaires.
Ce niveau de complexité chez un représentant aussi ancien des ankylosaures pose un défi aux modèles évolutifs classiques. En effet, on s’attendrait à voir les formes les plus élaborées apparaître plus tard, après des millions d’années d’évolution graduelle. Or ici, l’armure semble plus avancée que chez les descendants plus récents.
Les chercheurs évoquent donc une possible réduction secondaire de cette armure au fil du temps, ou bien l’existence de plusieurs lignées parallèles d’ankylosauriens ayant évolué indépendamment vers différentes formes de protection.
Outre ses caractéristiques anatomiques uniques, Spicomellus représente aussi le premier ankylosaure décrit en Afrique. Cela élargit la distribution géographique connue de ce groupe à une époque très ancienne. Jusque-là, les ankylosaures du Jurassique étaient essentiellement connus en Europe ou en Asie.
Cette découverte témoigne de la richesse encore sous-explorée du patrimoine paléontologique africain, et notamment marocain, dont les couches géologiques du Jurassique moyen offrent un terrain d’étude exceptionnel.
Décrit par certains chercheurs comme « un hérisson géant » ou même un « punk blindé », Spicomellus afer est un exemple de convergence évolutive poussée à l’extrême. Sa morphologie unique, son ancienneté, et sa distribution géographique inattendue en font un fossile clé pour repenser l’évolution des dinosaures cuirassés. Il rappelle aussi que chaque fragment découvert, même isolé, peut ouvrir de nouvelles pistes dans l’histoire de la vie, et que les régions moins étudiées du globe, comme l’Afrique du Nord, recèlent encore de nombreux secrets.
