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Le neutrino le plus énergétique jamais détecté a été vu par l’expérience KM3NeT/ARCA. Partout dans le monde, des expériences s’apprêtent à décrypter les messages de ces particules insaisissables.

La découverte de ce neutrino vient de faire l’objet d’un article dans la revue Nature, mercredi 12 février 2025. Avec 220 petaélectronvolts (PeV), il est près de 30 fois plus énergétique que le précédent record !

Postulé en 1930 par Wolfgang Pauli pour résoudre un défaut d’énergie dans la radioactivité bêta et détecté pour la première fois en 1956, le neutrino est une particule assez insaisissable. Pourtant l’une des plus abondante de l’Univers. Il faut dire que sa masse quasi-nulle et son absence de charge conduisent à ce que son interaction avec la matière est très faible. Il en est naturellement de même des détecteurs conçus pour la traquer, qui rivalisent de gigantisme pour tenter de saisir cette chance ! C’est dire toute l’extraordinaireté de cette découverte.

Le télescope sous-marin KM3NeT (Kilometer Cube Neutrino Telescope) est situé en Méditerranée, à 40 km au large de Toulon et par 2000 m de profondeur. Il consiste en un réseau de capteurs, organisés en structures modulaires sur plusieurs kilomètres cubes, qui scrutent l’obscurité abyssale pour repérer les rares interactions de neutrinos astrophysiques de haute énergie avec l’eau. En interagissant avec l’eau de la mer, les neutrinos produisent des particules chargés qui, si elles sont suffisamment énergétiques, peuvent produire un léger flash de lumière bleue, appelé rayonnement Tcherenkov. La détection de cette lumière par les photomultiplicateurs de KM3NeT permet de révéler les neutrinos, aussi insaisissables.

Les neutrinos sont produits dans des processus astrophysiques violents, tels que les explosions de supernovæ, les collisions de trous noirs et les jets relativistes de noyaux actifs de galaxies. Leur étude permet d’accéder à des informations sur ces phénomènes lointains, autrement inaccessibles par l’observation électromagnétique traditionnelle. Ainsi, l’étude de ce neutrino ultra-énergétique apporte des enseignements sur :

  • L’origine des rayons cosmiques : Il renforce l’hypothèse selon laquelle certaines sources astrophysiques extrêmes, comme les blazars et les noyaux galactiques actifs, accélèrent des particules à des énergies incroyablement élevées.
  • La nature des accélérateurs cosmiques : Il permet d’étudier les mécanismes à l’œuvre dans ces objets lointains et de mieux comprendre comment l’énergie est transférée dans l’Univers.
  • De nouvelle fenêtre d’observation : Contrairement aux photons ou aux rayons cosmiques chargés, les neutrinos voyagent à travers l’Univers sans être déviés par les champs magnétiques ni absorbés par la matière, ce qui en fait des messagers idéaux pour sonder les confins du cosmos.

L’énergie du neutrino récemment identifié par les chercheurs de KM3NeT dépasse largement celle de toutes les particules subatomiques observées jusqu’à présent sur Terre. Son origine semble provenir d’un phénomène astrophysique extrême, comme une galaxie active ou un blazar (un type particulier de noyau galactique où un jet de particules relativistes est dirigé vers la Terre). Cette observation est particulièrement significative car elle valide l’utilisation des neutrinos comme nouvelles sondes cosmiques. Elle renforce l’importance de l’astronomie multi-messagers, qui consiste à combiner différentes formes de signaux cosmiques : lumière visible, ondes radio, rayons X, rayons gamma, ondes gravitationnelles et neutrinos. En mettant en corrélation ces observations avec celles d’autres télescopes comme IceCube (situé en Antarctique) ou des observatoires spatiaux, les astrophysiciens peuvent localiser les sources des neutrinos ultra-énergétiques et mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans l’Univers extrême.

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