C’est un sujet qui revient avec chaque élection nationale en France, qu’il s’agisse de la présidentielle ou des législatives. Le mode de scrutin actuel, appelé « scrutin majoritaire uninominal à deux tours », est-il compatible avec le pluralisme de notre vie politique ?
S’il permet de dégager un ou une gagnante à chaque fois, le « scrutin majoritaire uninominal à deux tours », ne présente pas que des propriétés positives. La grande qualité de ce scrutin est, comme son nom l’indique, de dégager une majorité de votants en faveur du vainqueur. Majorité absolue dans le cas de l’élection présidentielle, éventuellement majorité relative dans le cadre de triangulaire lors des législatives, mais à chaque fois majorité tout de même.
Cette majorité ne tient toutefois pas compte de la minorité : avec ce système un candidat peut être élu à la majorité absolue même si son programme est jugé très négativement par 49,9 % des électeurs. En ce sens, ce mode de scrutin peut mener à l’élection de candidats très clivants : convaincre la moitié des électeurs (plus un) suffit, quitte à se faire détester par l’autre moitié. Cette caractéristique forte se double de plusieurs défauts : le premier d’entre eux est qu’il peut nous pousser à « voter utile » plutôt que de voter pour notre candidat favori. Souhaite-t-on vraiment un moyen d’expression démocratique qui incite fortement les votants à ne pas être sincères ? Un autre défaut bien connu est que le résultat du scrutin majoritaire à deux tours peut dépendre de la présence ou non de « petits » candidats. Souhaite-t-on vraiment un mode de scrutin qui soit si sensible aux manœuvres politiques ?
Mais c’est une chose de dire que le scrutin majoritaire à deux tours n’est pas un bon mode de scrutin, c’est autre chose de trouver le « meilleur » mode de scrutin. Depuis les travaux de Borda et Condorcet au XVIIIe, de nombreux chercheurs se sont penchés sur ce problème en proposant de non moins nombreux modes de scrutin, tous imparfaits. En ce milieu de XXe siècle, il semble que le mode de scrutin parfait n’existe pas et que les mathématiques ont tué la démocratie.
Cependant, deux modes de scrutin basés sur les évaluations se distinguent à présent, permettant en plus de donner une appréciation à chacun des candidats :
- Le vote par approbation, dit « à la moyenne », où le candidat élu est celui dont la moyenne des évaluations est la plus élevée.
- Le mode de scrutin « à la médiane », dit de jugement majoritaire où le candidat élu est celui dont la médiane des évaluations est la plus élevée.
Le plus simple d’entre eux est le vote par approbation où chaque votant donne une voix à tous les candidats qu’il juge acceptables. Le candidat élu est celui qui reçoit au total le plus de voix. Ça serait très simple à mettre en pratique dans notre vie politique puisqu’il suffirait de permettre aux votants de glisser autant de bulletins différents qu’ils le désirent dans leur enveloppe (ou en d’autres termes de prévoir un « doodle » à 40 millions de lignes…). Ils permettraient de privilégier les candidats plus consensuels.