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Les trous noirs sont au centre de l’actualité scientifique ces derniers jours. En effet, les découvertes et les premières en termes d’imagerie de ces « monstres » peuplant le cosmos se succèdent à une vitesse presque relativiste.

Des trous noirs de toutes les tailles et de toutes les sortes

Un trou noir est un objet relativiste, compact, caractérisé par une surface immatérielle fermée appelée « horizon des évènements » et dont rien ne sort. En effet, un évènement qui aurait lieu en dehors de cette limite ne saurait être perçu en deçà de celle-ci.

Certaines caractéristiques de ces astres échappent totalement à la physique classique. En effet, pour comprendre les mécanismes qui sont à l’œuvre, il nous faudrait une physique alliant à la fois la gravitation et la mécanique quantique car, oui, c’est bien la mécanique quantique qui permet de décrire ce qui se passe au sein des trous noirs.

Ces objets astrophysiques sont de véritables laboratoires théoriques dans l’étude de la physique des hautes énergies.

Pourquoi « noir » ? On a coutume de dire que rien ne sort d’un trou noir, pas même la lumière. En effet, pour sortir d’un tel astre, il faudrait une vitesse de libération supérieure à la vitesse de la lumière. La vitesse de libération est la vitesse que doit dépasser un objet s’il veut s’extraire de l’attraction gravitationnelle d’un astre. Par exemple, une fusée doit atteindre au moins la vitesse de 11.2 km/s soit 40 320 km/h si elle veut échapper à l’attraction terrestre.

En fait, tout dépend de la masse, car c’est bien elle qui fixe l’intensité de l’attraction gravitationnelle. Un trou noir est donc un objet extrêmement dense mais pas un trou à proprement parlé qui se serait formé dans l’Univers. Sa voracité nous fait juste penser qu’il peut avoir un appétit gargantuesque.

On distingue différents types de trous noirs:

  • des trous noirs supermassifs dont la masse est de l’ordre d’un million de fois la masse du soleil (on parle de masses solaires, sorte de masse étalon pour caractériser des masses colossales). La plupart d’entre eux sont au centre de galaxies dont la nôtre avec SagittariusA*. D’ailleurs, on pense que ces trous noirs pourraient être à l’origine des galaxies mais la question reste ouverte.
  • des trous noirs stellaires dont la masse est de quelques masses solaires. Selon les théories actuellement privilégiées, ces objets seraient l’aboutissement de l’évolution des étoiles massives.
  • Les trous dit « intermédiaires » sont les objets qui ne sont ni des trous noirs supermassifs ni des trous noirs stellaires.
  • les mini trous noirs sont des objets microscopiques aux propriétés quantiques qui pourraient être le fruit de réactions de physique des particules à haute énergie.
  • les trous noirs primordiaux pourraient avoir été créés dans l’Univers primordial mais dont les propriétés sont encore incertaines et leur existence hypothétique.

Parmi ces deux derniers types de trous noirs, figurent des modèles de trous noirs permettant d’explorer le régime quantique de la gravitation. Disons-le simplement, aboutir à une théorie liant la physique quantique et la gravitation est un Graal pour tout physicien théoricien du 21ème siècle. D’ailleurs les modèles ne manquent pas : théorie des cordes, gravité quantique à boucle, etc.

Dans ces études, un ingrédient fondamental est le rayonnement d’origine quantique qui serait émis par tous les trous noirs, découvert par Stephen Hawking.

Un trou noir est un résidu d’étoile massive voire très massive

Au-delà de plusieurs dizaines de fois la masse du soleil, une étoile en fin de vie est amenée à devenir un trou noir sous l’effet de l’intense gravité. Privée de toute activité de fusion nucléaire en son sein, c’est la gravité qui l’emporte sur toute force radiative et l’étoile s’effondre sur elle-même devenant un astre doué d’une densité extrême.

Devenir des étoiles en fonction de leurs masses

Pour caractériser ce type d’astre, on fait appel à sa masse, à son moment cinétique et à sa charge électrique. De ces caractéristiques, on ne distingue qu’un nombre limité d’états d’équilibres possibles pour un trou noir macroscopique:

  • le trou noir de Schwarzschild : trou noir statique, sphérique, électriquement neutre
  • le trou noir de Kerr : en rotation, électriquement neutre
  • le trou noir de Reissner-Nordström : statique, sphérique, chargé électriquement
  • le trou noir de Kerr-Newman : en rotation et chargé électriquement

Dans le cadre de l’astrophysique, seuls la masse et le moment cinétique sont retenus. La charge électrique a tendance à être neutralisée par les charges électriques environnantes.

En ce qui concerne la masse, il n’existe à priori pas de contrainte fondamentale sur la valeur qu’elle peut prendre. D’ailleurs, l’actualité scientifique récente fait état de la découverte d’un trou noir ultra-massif doté d’une masse de 30 milliards de masse solaire, ce qui est un record à ce jour. En comparaison, SagittariusA*, situé au centre de la voie lactée ne fait « que » 4.2 millions de masses solaires.

Ce sont des chercheur-se-s de l’université de Durham qui l’on détecté au sein de la galaxie Abell 1201 BCG à 2.7 milliards d’années-lumière de la Terre (une année-lumière soit environ 10 000 milliards de kilomètres). Ce trou noir extrême est un trou noir inactif, dormant, et c’est grâce à son effet de lentille gravitationnelle ainsi que le recours à différentes modélisations que l’on a pu le mettre en évidence.

Mais il y a plus massif encore…. Le trou noir TON 618 dans la constellation des chiens de chasse à 10.4 milliards d’années-lumière de la Terre. Sa masse ? plus de 66 milliards de fois celle du Soleil…

Les progrès de l’imagerie des trous noirs

Même si des images de trous noirs ont été produites par le passé, notamment celle de cygnus X-1 observé en 2002 en rayons X par le satellite européen Integral, ce trou noir ayant déjà été observé en 1971 par le télescope spatial Huuru ; le premier fait marquant en terme d’imagerie de trou noir supermassif fut l’image composite obtenue le 10 avril 2019.

C’est à cette date que le trou noir supermassif M87* fut imagé grâce à la coopération internationale EHT (Event Horizon Telescope) qui a mis en mode interférométrique 8 grands radiotélescopes terrestres permettant d’atteindre un diamètre virtuel identique à celui de la Terre c’est-à-dire plus de 12 000 kilomètres. Notons au passage que les talents de Katie Bowman dans le domaine de l’imagerie ont largement contribué à ouvrir la voie.

Image composite du trou noir M87* le 10/04/2019, trou noir situé à 55 millions d’années-lumière de la Terre et d’une masse de 6 à 7 milliards de masses solaires. Le disque d’accrétion de matière en rotation autour du trou noir supermassif est clairement visible.

Le 26 avril dernier, les chercheur-se-s sont allé-e-s un peu plus loin en imageant les jets relativistes étudiés par Stephen Hawking et indiquant que de la matière peut s’échapper d’un trou noir.

Comprendre le mécanisme qui mène à l’expulsion de ces jets est un enjeu pour les astronomes. Ils ne sont pas encore bien compris aujourd’hui.

Ces images ont été obtenues grâce à la collaboration de plusieurs équipes travaillant au sein de plusieurs sites dont ALMA (66 antennes au Chili), le GMVA (Global Millimetre VLBI Array) et le GLT (Greenland Telescope). Ces télescopes ont travaillé de concert en mode interférométrique dans le but d’offrir une surface collectrice d’ondes beaucoup plus important que si ces radiotélescopes avaient travaillé indépendamment. L’image obtenue et activement étudiée aujourd’hui:

Image de l’ombre du trou noir M87* et du jet expulsé (European Southern Observatory)

Dans ce cas, c’est la première fois qu’une image montre à la fois le disque d’accrétion ET le jet expulsé.

Lorsque de la matière orbite autour du trou noir, qui rappelons-le, déforme l’espace-temps de façon très importante en vertu du principe de Relativité Générale énoncée par Einstein en 1915, la matière s’échauffe considérablement, émettant ainsi de la lumière, visible depuis la Terre en rayonnement radio sous la forme d’un disque « lumineux » encore une fois en ondes radio. Cette nouvelle image va permettre de tenter de comprendre comment un jet se trouve émis à partir du disque d’accrétion. Les années à venir promettent d’être riches d’enseignements à ce sujet.

Et l’Intelligence Artificielle dans tout ça?

Quelle est la part de contribution de l’IA dans cette aventure autour de la question des trous noirs et de nos capacités à les observer.

Et bien, elle commence déjà à donner des résultats intéressants, en témoigne l’image récemment publiée du trou noir M87* résolu après traitement par une IA.

M87*: à gauche imagé en radioastronomie ; à droite après traitement de l’image en IA

Il semblerait que l’IA soit en mesure d’affiner les images obtenues par le consortium de radiotélescope EHT dont le mode interférométrique permet d’atteindre un diamètre virtuel égal à celui de la Terre, ce qui est déjà une belle prouesse technique. Nul doute que là aussi, cette technologie au cœur des inquiétudes et des fascinations, ne tarde pas à refaire parler d’elle.

A relire aussi : [Le trou noir du centre de notre galaxie en image]

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