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Alors que les canicules deviennent de plus en plus fréquentes et plus intenses en France, certaines zones comme Cherbourg semblent échapper à ce fléau. La ville normande attire déjà des visiteurs en quête de fraîcheur. Mais ce potentiel paradis climatique est-il durable ? Face aux projections climatiques alarmantes, Cherbourg pourrait-elle devenir un véritable refuge climatique ou perdre cet avantage ?

Une canicule est une période prolongée de chaleur intense, caractérisée par des températures élevées de jour comme de nuit. Ce manque de fraîcheur nocturne empêche le corps de se régénérer, ce qui augmente les risques sanitaires, en particulier pour les personnes vulnérables. En France, les épisodes caniculaires se multiplient et s’intensifient. Entre fin juin et début juillet, le pays a connu une vague de chaleur exceptionnelle, avec des températures dépassant les 40 °C. Ce phénomène, autrefois rare, devient de plus en plus fréquent avec le dérèglement climatique. Les impacts sont déjà visibles : problèmes de santé, baisse des rendements agricoles, et perturbations des écosystèmes.

Cependant, certaines régions se distinguent. C’est le cas de Cherbourg, dont le climat océanique tempéré limite les extrêmes thermiques. La présence de la mer, la brise marine et une urbanisation modérée jouent un rôle protecteur en atténuant les pics de chaleur. Même si un record de plus de 34 °C a été enregistré le 18 juillet 2022, ce genre d’événement reste rare. En comparaison avec d’autres villes comme Lyon, fortement touchées par les canicules estivales, Cherbourg apparaît comme une zone encore préservée.

Cette spécificité climatique attire de plus en plus de visiteurs. Lors de l’été 2020, des entretiens menés auprès des touristes ont révélé que 42 % à 58 % d’entre eux avaient choisi Cherbourg pour sa fraîcheur. Fait notable : certains habitants du centre-Manche, se déplacent aussi vers la côte cherbourgeoise pour échapper à la chaleur. Cherbourg pourrait donc, à terme, devenir un refuge climatique, une zone tempérée vers laquelle les populations se dirigeraient ponctuellement ou durablement pour fuir les températures extrêmes.

Cette perspective ne doit pas faire oublier que le Cotentin est lui aussi concerné par le changement climatique. En l’absence de politiques climatiques ambitieuses, la température moyenne annuelle dans le Cotentin pourrait ainsi augmenter de +3,5 °C d’ici la fin du siècle. Cette élévation générale des températures aura des conséquences concrètes et le nombre de jours de canicule pourrait atteindre jusqu’à 30 jours par an, contre quelques jours tout au plus actuellement. Le climat deviendrait également plus irrégulier, présentant des étés plus secs, accentuant les risques de sécheresse hydrique et agricole, tandis que les hivers verraient des pluies plus intenses, augmentant les risques de ruissellement, d’érosion des sols et de saturation des réseaux d’eau pluviale.

Ces modifications du régime des précipitations sont susceptibles de fragiliser les ressources en eau douce et d’exercer une pression accrue sur les infrastructures de gestion de l’eau. La montée du niveau de la mer est un autre facteur d’inquiétude. Les estimations actuelles indiquent une élévation potentielle comprise entre +0,4 m et +1,1 m d’ici 2100. Pour les zones littorales du Cotentin, notamment les secteurs bas et densément urbanisés comme Cherbourg, cela pourrait se traduire par une augmentation significative du risque de submersion marine, notamment en cas de tempête ou de marée exceptionnelle.

Ainsi, même si Cherbourg est aujourd’hui relativement préservée, cette situation ne doit pas conduire à une forme d’inertie car les protections naturelles actuelles pourraient s’affaiblir sous l’effet combiné de la hausse des températures, de la pression sur les milieux naturels et de l’urbanisation.

D’après les travaux de Matthieu DAVID, UMR IDEES 6266, Université de Caen pour les deux éléments (carte et données présentées dans le texte). Données météorologiques illustrées sur la carte : Météo-France.

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