Une fois encore le télescope spatial James Webb fait parler de lui en démontrant la puissance de ses instruments. Au début de ce mois d’août, sa cible fut l’étoile lointaine nommée « Earendel » (étoile du matin en anglais ancien).
Cette étoile a été imagée pour la première fois en 2022 par un autre télescope spatial et non des moindres : Hubble Space Telescope.
Mais qui est Earendel ?
De son petit nom WHL0137-LS, c’est l’étoile la plus ancienne que l’humanité ait pu observer. N’oublions pas que faire de l’astronomie, c’est toujours regarder dans le passé. Quand nous regardons le Soleil, nous le voyons tel qu’il était il y a huit minutes puisque les photons (particules de lumière) qui en sortent mettent un peu plus de huit minutes à parcourir la distance Soleil-Terre (soit un peu moins de 150 millions de kilomètres) à la vitesse de la lumière soit 300 000 km/sec.
Donc quand les télescopes spatiaux Hubble et Webb regardent vers cette étoile très ancienne, ils nous donnent à voir cette étoile telle qu’elle était il y a 12.9 milliards d’années. Du fait de l’inflation, cette étoile est en fait située à 28 milliards d’années lumières…les distances s’allongent en quelque sorte.
Earendel se serait formée 900 millions d’années après le Big Bang. Rappelons que notre univers est âgé de 13.7 milliards d’années. Evidemment, les premiers moments de notre univers ne nous sont pas accessibles, du moins pas avant le fond diffus cosmologique qui correspond au moment où les électrons circulants ont suffisamment ralenti leur course sous l’effet de la diminution de la température (3000°K) pour pouvoir s’associer aux noyaux d’atomes et ainsi former les premiers atomes. Nous sommes aux alentours de 380 000 ans après le Big Bang.
L’extrême sensibilité du James Webb Space Telescope (JWST) ne suffit cependant pas pour atteindre ce type d’étoile lointaine. En effet, les astronomes ont recours au phénomène de lentille gravitationnelle.
Ce même phénomène s’explique par la théorie de la relativité générale qu’Einstein a énoncé en 1915 selon laquelle un objet suffisamment massif a la propriété de courber tellement l’espace-temps que les rayons lumineux provenant d’un astre situé en arrière-plan sont déviés, ce qui produit une image déformée. Seulement voilà, l’image de cet astre lointain est certes déformée mais elle est aussi amplifiée ce qui permet d’offrir un effet de loupe.
Un amas de galaxie possède une telle masse qu’elle courbe l’espace-temps. Les rayons lumineux provenant d’une galaxie éloignée, et donc normalement inaccessible à l’observation par nos télescopes, sont fortement déviés de sorte que l’image de cette galaxie lointaine, très lointaine, est déformée et amplifiée, donc accessible. L’outil informatique permet après traitement de cette image de reconstituer la galaxie jusqu’alors rendue inaccessible de par sa distance. C’est le lentillage gravitationnel.
Concernant l’étoile Earendel, ce phénomène de lentille gravitationnel est rendu possible par la présence d’un amas de galaxie répondant au doux nom de WHL0137-08. Le grossissement obtenu est d’un facteur 4000.
Les instruments du JWST révèlent entre-autre la taille de cette étoile : 50 à 100 masses solaires c’est-à-dire 50 à 100 fois la masse de notre Soleil, prise comme masse-étalon pour comparer les masses des étoiles. Ils révèlent également que cette étoile de type B aurait une température de surface de 20 000°K, là où notre Soleil a une température de surface de 5000 à 6000 °K. Earendel est un million de fois plus lumineuse que notre étoile.
Ce qui vient compléter les données de Hubble qui avait moissonné le 30 mars 2022, c’est que cette étoile ferait en fait partie d’un système binaire c’est-à-dire composé de deux étoiles, sa compagne étant plus rouge et plus froide également.
L’épisode Earendel n’en est qu’à ses débuts car d’autres renseignements vont bientôt nous être livrés : la distance de l’étoile et sa composition, grâce aux instruments NIRSpec effectuant des analyses spectroscopiques d’excellentes qualités.
Notons que cette étoile fait partie des étoiles dites de premières générations essentiellement formées des premiers ingrédients de l’univers à savoir l’hydrogène et l’hélium. Earendel pourrait être une étoile de population III. Ces étoiles, se sont probablement formées à la suite des toutes premières étoiles au moment de la ré-ionisation. La ré-ionisation, dont la date fait encore débat mais qui pourrait se situer entre 100 et 400 millions d’années après le Big Bang, correspond à la période durant laquelle les premiers atomes ont été ré-ionisés par des sources lumineuses d’origine inconnue. Les premières étoiles formées devaient atteindre des masses de 50 à 100 millions de masse solaire.
Ces étoiles sont cependant très éphémères puisqu’elles explosent au bout d’un millions d’années seulement ensemençant ainsi le cosmos en atomes plus lourds tel que le lithium. En explosant en supernovæ, ces étoiles contribuent à perturber gravitationnellement certains nuages d’hydrogène, engendrant ainsi la naissance d’une nouvelle population d’étoiles moins massives et donc plus durables. Le Soleil a une durée de vie d’environ 10 milliards d’années.
Il est tout à fait possible qu’Earendel soit une des dernières étoiles de population III. Ainsi, l’étoile du matin n’a pas fini de nous livrer les secrets de son histoire et par là même de l’histoire de notre univers.