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Comme toute théorie scientifique, le Modèle Standard de la Physique des Particules, qui décrit les particules subatomiques et leurs interactions, n’est pas infaillible. Depuis 2011, une anomalie constatée sur l’émission des neutrinos dans les réacteurs nucléaires a remis en cause ce modèle.

Les neutrinos sont des particules élémentaires, électriquement neutres et de masse infime. Ils sont émis lors des désintégrations radioactives « béta » et sont difficilement détectables compte tenu de leur faible probabilité d’interaction avec les autres particules. Les neutrinos existent selon trois « saveurs » dites électronique, muonique et tauique. Or il a été démontré qu’un neutrino peut « changer de saveur » au cours de son parcours dans la matière et, par exemple, passer de l’état « électronique » à « munoique », puis de « munoique » à « tauique » et ainsi de suite. Cette « oscillation de saveurs » est prévue dans le Modèle Standard ; il est donc possible de vérifier cette théorie avec une expérience.

En raison du nombre important de réactions nucléaires ayant lieu dans les réacteurs nucléaires, ces derniers émettent une quantité considérable de neutrinos. Il est donc théoriquement possible de déterminer la quantité de neutrinos émis au voisinage d’un réacteur sous réserve d’en connaître sa composition. C’est ce qu’ont fait des scientifiques du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) en 2011. Ils ont alors mis en évidence une anomalie sur la quantité de neutrinos détectés, en déficit de 6 % par rapport à la théorie. Bien que cette anomalie n’ait aucune incidence sur la sûreté des centrales nucléaires, l’intérêt scientifique de cette observation a poussé la communauté scientifique à en déterminer l’origine. L’hypothèse avancée pour expliquer ce défaut serait l’existence d’une quatrième « saveur » de neutrino, appelé neutrino stérile et dont la particularité serait d’interagir encore plus faiblement avec la matière, le rendant encore plus indétectable. Depuis cette date, plusieurs expériences ont été menées pour valider ou invalider cette hypothèse en mesurant cette quatrième « oscillation » avec un neutrino dit stérile.

L’expérience STEREO, notamment menée par les scientifiques du CEA, a consisté à placer un détecteur de grande taille, constitué de six cellules sensibles identiques, entre neuf et onze mètres du cœur du réacteur de l’Institut Laue-Langevin de Grenoble, un réacteur nucléaire de recherche.

Le but était de mesurer les oscillations des neutrinos dans les différentes cellules et, s’il existe, identifier le neutrino stérile. Après quatre ans de mesure, 107558 neutrinos ont été détectés et seules les trois « saveurs » déjà connues ont été identifiées. Compte tenu du niveau de précision de l’expérience, la conclusion des scientifiques est sans appel : le neutrino stérile n’existe pas et le Modèle Standard de la Physique des Particules n’est pas mis en défaut sur ce point. Il n’en reste pas moins que le la théorie prédit une masse nulle au neutrino, incompatible avec les oscillations de saveurs observées expérimentalement. Le neutrino n’a donc pas encore livré tous ses secrets !

L’anomalie observée sur les réacteurs nucléaires serait quant à elle due à des erreurs infimes dans les données nucléaires desquelles cette expérience a permis d’ouvrir un vaste programme de réévaluation, avec des applications directes pour la filière nucléaire civile.

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