De Jean Hommet
Introduction
Le mot numérique est tellement à la mode actuellement, qu’il est utilisé comme adjectif ou comme nom, pour à peu près tout et n’importe quoi : le numérique à l’école, les arts numériques, des solutions numériques, le département numérique, les inégalités numériques, le numérique éducatif, les travailleurs du numérique, l’identité numérique, les humanités numériques, la transformation numérique, le patrimoine numérique, la liberté numérique, la raison numérique, la philosophie numérique, la citoyenneté numérique, le numérique pour tous, etc. Le numérique, selon les cas, désigne des outils, formats, techniques, technologies, méthodes, pratiques, philosophies, voire tout à la fois. Évidemment, le numérique est très récent, c’est une vraie révolution : après la fée électricité, voici venue la fée numérique. C’est très pratique pour parler de quelque chose que l’on ne connait pas, mais qui s’apparente plus ou moins à l’informatique, aux réseaux ou aux télécommunications. On n’a pas besoin de préciser quoi que ce soit, c’est du numérique et ça va de soi, c’est magique!
Quel mystère que ce numérique, capable de tout incarner, de plus en plus présent, mais de moins en moins clair …
Mais comme souvent avec les mystères, celui-ci cache une réalité simple. Le numérique, qui bien évidemment se rapporte aux nombres, est en fait issu directement de l’évolution des moyens de calcul. Ce document tente de dissiper le brouillard qui entoure le numérique en présentant la longue évolution du calcul, depuis la naissance de l’écriture jusqu’à notre époque. Les concepts fondamentaux sont tout d’abord interrogés, pour ensuite présenter quelques objets emblématiques de l’histoire du calcul. Enfin, une chronologie rassemble les principales dates et figures qui ont contribué à l’évolution des idées, des technologies et des machines.
Panorama des concepts clés de l’histoire du calcul
Abaque
Un abaque est un objet servant d’aide au calcul. Ce mot existe en latin, en grec et en hébreux : respectivement abacus, abax et abaq. Ce mot désignait du sable, de la poussière ou bien une pierre recouverte de poussière sur laquelle on pouvait dessiner.
Il traduit une activité d’écriture s’appuyant sur un support effaçable servant de brouillon au développement des calculs. Cette activité est née il y a 5000 ans en Mésopotamie. Elle a participé à l’apparition de l’écriture qui était motivée en premier lieu par des besoins de calculs comptables et commerciaux.
Quelque soit la nature du calcul (comptabilité, commerce, science, …), on attend toujours de ce dernier qu’il soit juste. Et pour être sûr qu’il le soit, on peut le refaire plusieurs fois en espérant ne pas refaire la même erreur. Ceci constitue un processus très fastidieux qui n’est jamais garanti. Voilà pourquoi, on a toujours voulu développer de nouveaux abaques (du boulier à la calculatrice), pour réduire l’effort de calcul et certifier l’exactitude du résultat.
Actuellement, le mot abaque est utilisé le plus souvent pour désigner un tableau de valeurs précalculées, un graphique de références, ou encore un boulier.
Calcul
Le mot calcul vient du latin calculus qui signifie caillou. Il est encore utilisé dans ce sens en médecine : un calcul renal est une petite pierre de calcaire se formant dans le rein.
La plupart du temps, le mot calcul représente une opération effectuée sur des nombres. L’origine de ce sens provient également des cailloux puisque ces derniers ont constitué un des tous premiers moyens de calcul utilisés par les hommes pour faciliter toutes sortes de comptages. Ils sont à l’origine des diverses formes d’abaques utilisés dans la plupart des civilisations anciennes (égyptienne, grèque, romaine, chinoise, indienne, mexicaine). Une des formes les plus abouties est le boulier chinois (comportant de nombreuses variantes) encore très utilisé en Russie, en Chine et au Japon.
Numérique, échantillonage, codage
Le mot numérique (nom ou adjectif) vient du latin numerus qui désigne nombre. Une information est dite numérique lorsqu’elle est représentée sous forme de nombres (entiers). Les calculs qui manipulent des nombres sont donc numériques.
Cependant, il ne faut pas limiter nombres et calculs aux seules opérations arithmétiques : les nombres sont par ailleurs très utilisés pour représenter toutes sortes de choses (texte, images, sons, vidéos, etc …) : toute information peut être codée sous forme de nombres.
Prenons comme exemple des informations de natures très différentes comme du texte et de la musique avec respectivement le nom d’un champion olympique et son hymne national.
« Teddy Riner » en code ascii est 84 101 100 100 121 32 82 105 110 101 114. Dans le cas d’un texte, c’est simple car il suffit d’associer un nombre à une lettre (84= ‘T’). Dans cet exemple on obtient une série de 11 nombres.
Pour la Marseillaise c’est plus compliqué, le son ne présente pas de motif à coder (comme des lettres) car l’information est continue. Dans ce cas, on a recours à l’échantillonage qui consiste à couper l’information en petites parties et à représenter chaque partie par une valeur numérique. Le codage du son dans un CD audio se fait en indiquant le niveau sonore 44000 fois par seconde. On obtient donc 44000 nombres par seconde d’écoute (2x pour la stéréo). Ainsi, une minute trente de Marseillaise est enregistrée sous forme de 1.5 x 60 x 2 x 44000 échantillons. On obtient une série de 7 920 000 nombres.
Losqu’une information est numérisée, il devient très facile de la stocker, de la transporter, de la recopier ou de la traiter. De plus, ces opérations sont strictement les mêmes quelque soit la nature de l’information (le nom d’un champion ou un hymne national). Ceci constitue la base de l’informatique, que l’on retrouve partout, en télévision, en télécommunication, dans les smartphones, etc. Et c’est pourquoi maintenant, on utilise le mot numérique pour à peu près n’importe quoi.
Remarque : en anglais le mot numérique se dit digital et chiffre se dit digit. En français le mot digital existe aussi, c’est l’adjectif du nom doigt (ex : une empreinte digitale).
Décimal, binaire, hexadécimal, sexagésimal
Si les cailloux sont les premiers objets de calcul, les hommes ont de tout temps compté sur leurs doigts (calcul digital). Le nombre de nos doigts est l’origine de notre base de numération préférée, la base 10. Une base de numération permet de représenter un nombre à partir de chiffres. La base 10 dispose de 10 chiffres (de 0 à 9). Par exemple le nombre 90 est composé de deux chiffres 9 et 0.
Les bases les plus utilisées :
- la base 10 (décimal), dispose de dix chiffres de 0 à 9,
- la base 2 (binaire), utilise deux chiffres 0 et 1,
- la base 16 (hexadécimal), seize chiffres : 0 .. 9, A, B, C, D, E, F (6 chiffres sous forme de lettres ont été ajoutés pour passer de 10 à 16 chiffres),
- la base 60 (sexagésimal), de 0 à 59 (sa représentation reste en base 10).
Exemple : le nombre 90 en décimal, s’écrit 1011010 en binaire, 5A en hexadécimal et 1:30 en sexagésimal.
On peut définir des bases de toutes tailles, et pour diverses utilités. La base dix est celle des humains (dix doigts), alors que la base deux (binaire) et la base seize (hexadécimal) sont des bases adaptées aux techniques électroniques et informatiques. Enfin la base soixante est utilisée pour représenter le temps, les angles et les coordonnées géographiques (secondes, minutes, degrés).
La base deux (binaire) est la base utilisée partout dans ce que l’on appelle actuellement le numérique (informatique, réseaux, CD, DVD, 3G, 4G, etc). La base 2 ne présente que deux chiffres (0 et 1), c’est pourquoi l’information contenue dans chaque chiffre correspond à la logique d’un interrupteur : éteint = 0, allumé = 1. Son succès technique tient dans la simplicité du TOUT ou RIEN transposable facilement sur n’importe quel média physique :
- signaux électriques ou électroniques (0V – 5V), véhiculés dans du cuivre ou du silicium,
- signaux magnétiques (pôle nord – pôle sud), dans les bandes magnétiques ou les disques durs,
- signaux optiques (jour – nuit), dans les fibres optiques, CD ou les DVD,
- radio : 3G, 4G, tv satellite, TNT, télécom en tous genres,
- etc.
Quelque soit la nature physique du support, chaque interrupteur contient une information élémentaire (0 ou 1). On appelle bit cette information élémentaire, et octet un nombre binaire constitué de 8 bits (ex: 01011010). L’octet est l’unité de stockage de la plupart des informations numériques.
La base 16 (hexadécimal) est très utilisée par les électroniciens pour représenter les octets. En hexadécimal, chaque octet est toujours représenté par deux chiffres : le premier chiffre représente les 4 premiers bits et le second les 4 suivants. Par exemple 01011010 binaire vaut 5A en hexa, avec 0101 valant 5, et 1010 valant A (10 en decimal).
Reprenons nos exemples du champion et de l’hymne, quels espaces de stockage en octet occupent-ils ?
- chaque caractère d’un texte en code ascii occupe un octet (8 bits) soit 256 possibilités de caractères.
- chaque échantillon du format wav (format CD) occupe deux octets (16 bits) soit 65536 possibilités de niveaux sonores.
Dans ces conditions, le texte Teddy Riner, qui est composé de 11 caractères, occupe 11 octets. Une minute et demi de musique (7920000 échantillons) occupe presque 16 Megaoctets (15840000 octets).
Analogique
Tout n’a pas toujours été numérique (sous forme de nombres). Pendant longtemps, les informations continues en étaient exclues, elles étaient traitées de manière analogique.
Analogique vient d’analogie, son principe repose sur la similitude existant entre deux grandeurs. Cette similitude permet d’utiliser une grandeur pour représenter l’autre. L’exemple classique est celui du thermomètre à mercure, où l’on mesure la hauteur du mercure pour connaître la température : la longueur que l’on observe est analogue à la valeur de la température.
Les exemples sont très nombreux car la nature est très souvent continue (ou apparaît comme telle).
Voici quelques exemples se rapportant au son :
- disque vinyle : les reliefs du microsillon suivent le niveau sonore (analogues au son),
- cassette audio : l’intensité magnétique de la bande suit celle du son,
- amplificateur : la tension électrique est analogue à celle du son, la tension de sortie est amplifiée (multipliée) par rapport à celle de l’entrée,
- radio FM : la variation de fréquence radio est analogue au niveau sonore à faire passer,
- etc.
On peut allonger la liste à n’en plus finir rien que pour le son, et de la même manière pour toute forme d’information : image, vidéo, radio, télévision, téléphone, fax, radar, etc.
Remarque : Un signal analogique se dégrade lorsque l’on s’en sert, alors qu’un nombre reste le même quelque soit son usage. C’est pour cela que le numérique permet de transmettre, enregister et copier les informations sans aucune perte. C’est la principale raison pour laquelle nous sommes passés au tout numérique.
Revenons maintenant aux moyens de calcul : lorsqu’ils ne sont pas algébriques, les calculs ne sont pas nécessairement numériques mais peuvent être également analogiques. Tout dépend de la nature des nombres sur lesquels ils portent. Là aussi comme pour le reste, si les nombres en question sont continus alors leurs calculs sont analogiques. Les calculs numériques sont ceux des entiers (valeurs discrètes) alors que les calculs analogiques sont ceux des réels (valeurs continues) . Les usages typiques les plus courants des deux formes sont d’un coté, les calculs comptables où les centimes sont représentés par des entiers, et de l’autre, les calculs scientifiques où les grandeurs physiques continues sont représentées par des réels. Pendant des siècles, on a eu recours au calcul analogique pour effectuer des calculs qui dépassent l’arithmétique de base des entiers et font intervenir des fonctions plus complexes sur les réels (sinus, logarithme, etc). Ce type de calcul permet de faire une approximation du résultat, il s’agit en définitive d’une réelle mesure avec son incertitude. Pour cela, la règle à calculer a été l’instrument de base de tous les ingénieurs jusqu’à l’apparition des calculatrices scientifiques au milieu des années 70. Ces calculatrices réalisent des calculs numériques sur des entiers déguisés en réels, ces entiers particuliers se nomment les nombres flottants. Les nombres flottants pour les calculs et l’échantillonnage pour les mesures continues (comme le son) ont fait disparaître l’analogique au profit du numérique.
Quelques objets de calcul à travers l’histoire
Dans cette partie sont présentés une douzaine d’objets illustrant l’évolution des moyens de calcul, du boulier à l’ordinateur. Cliquez sur le nom de l’objet pour accéder à sa rubrique.
Les premiers instruments de calcul numérique ne sont pas des machines mais facilitent la tâche.
- boulier : Qu’est-ce qui différencie un boulier chinois d’un boulier japonais ? (question de base)
- bâtons de Napier : Comment effectuer rapidement d’énormes multiplications sans connaître ses tables ? (et bien sûr sans machine)
Jusque dans les années 70, pour effectuer des calculs sur les réels, on a recours au calcul analogique à l’aide d’instruments de mesure.
- compas de proportion : La bosse des maths ou le compas dans l’œil ?
- règle à calculer : Comment un astronome né en 1550 est allé dans l’espace ?
A partir de Blaise Pascal, le calcul numérique devient une histoire de belles mécaniques.
- additionneuse Burroughs : Comment avoir du succès quand on est grosse, pleine de boutons et qu’on ne sait pas faire grand chose ?
- machine de type Odhner : Encore combien de tours avant l’arrivée ?
A partir des années 70, grâce aux circuits intégrés, le calcul numérique passe de la mécanique à l’électronique. Les premières machines électroniques grand public sont très chères, ont moins de capacité que leurs ainées mécaniques, mais sont rapides et font vite oublier les manivelles. En 1972, la HP-35 met un terme au calcul analogique, et soulage tous les ingénieurs des calculs laborieux et approximatifs effectués sur des règles à calculer.
- Casio AS-A : Numérique vintage ou vintage numérique ?
- années 72-73 : L’embarras du choix ?
L’année 1972 sonne le déclin de l’analogique et les débuts de l’informatique de masse dont la croissance n’aura cessé d’être exponentielle. Tout ceci pour aboutir au smartphone, comment en sommes nous arrivés là? A-t-il existé auparavant un objet que tout le monde ait porté en permanence?
- smartphone : Les smartphones sont-ils des vétements ?
Chronologie
Quand | Quoi | Qui | Où |
---|---|---|---|
? | doigts | – | |
-30k | cailloux (sable, batons, os …) | – | |
-20k | os d’Ishango | – | Congo |
-3k | premières numérations, sys. positionnel, base 60 | – | Mésopo. |
-300 | traité de mathématique et d’arithmétique | Euclide | Grèce |
Is | abacus romain : ancêtre du boulier | – | Rome |
Vs | invention du nombre zéro | Brahmagupta | Inde |
IXs | traités d’algèbre | Al Khawarizmi | Bagdad |
XIIs | boulier chinois suanpan | – | Chine |
1198 | import des chiffres arabes et de l’algèbre à Pise | L. Fibonacci | Italie |
1597 | compas de proportion | Galilée | Italie |
1614 | fonction logarithme | J. Napier | Ecosse |
1617 | bâtons de Napier | J. Napier | Ecosse |
1620 | règle logarithmique (échelle log + compas) | E. Gunter | Anglet. |
1623 | plan de machine, première machine avant Pascal ? | W. Schickard | Allema. |
1627 | règle à calculer (2 echelles log qui coulissent) | E. Wingate | Anglet. |
1630 | cercle à calculer (règle circulaire) | W. Oughtred | Anglet. |
1642 | Pascaline – première machine à calculer | B. Pascal | France |
1666 | rouleaux de Schott | G. Schott | Allema. |
1666 | abaque rhabdologique | C. Perrault | France |
1672 | machine et cylindre cannelé de Leibniz | G. Leibniz | Allema. |
1703 | arithémtique binaire | G. Leibniz | Allema. |
1801 | cartes perforées (métiers à tisser) | J. Jacquard | France |
1820 | arithmomètre, première machine industrielle | T. de Colmar | France |
1833 | premier ordinateur (100% mécanique) | C. Babbages | Anglet. |
1833 | premier programme informatique | A. Lovelace | Anglet. |
1847 | algèbre binaire | G. Boole | Anglet. |
1847 | Kummer additionneur de poche à crosses | H. Kummer | Russie |
1850 | curseur de la règle à calculer | A. Mannheim | France |
1872 | principe de multiplication directe | E. Bardour | USA |
1873 | aritmomètre d’Odhner | W. Odhner | Suède Russie |
1878 | principe multiplication directe | N. Verea | Espagne |
1885 | réglettes de Grenaille (bâtons de Napier) | H. Grenaille | France |
1886 | Burroughs adding machine – clavier direct | W. Burroughs | USA |
1887 | comptomètre – additionneur à clavier direct | D. Felt | USA |
1889 | principe et machine à multiplication directe | L. Bollée | France |
1889 | arithmographe – additionneur de poche (Kummer) | J. Troncet | France |
1889 | Comptograph – impression | D. Felt | USA |
1893 | The Millionaire – multiplication directe | O. Steiger | Suisse |
1899 | Dalton adding machine – clavier 10 touches | J. Dalton | USA |
1900 | Addometer – additionneur portable à stilet | USA | |
1920 | Addiator – production de masse d’un Kummer | Allema. | |
1936 | machine de Turing – décidabilité | A. Turing | Anglet. |
1938 | amélioration du cynlindre de Leibnitz | C. Herzstark | Autriche |
1941 | Z3 – ordinateur electromécanique à nb flottants | K. Suze | Allema. |
1943 | Colossus – ordinateur électronique à tubes | T. Flowers | Anglet. |
1945 | architecture des ordinateurs | J. Von Neumann | USA |
1947 | Curta – calculatrice mécanique de poche | C. Herzstark | Lichten. |
1948 | SSEM Baby – premier ordi. à archi. Von Neumann | F. Williams | USA |
1951 | transistor bipolaire | W. Shockley | USA |
1968 | HP 9001 – calculateur – premier ordi. personnel ? | T. Osborne | USA |
1971 | Intel 4004 – premier micro-processeur | F. Faggin | Italie – USA |
1971 | Ecran tactile | S. Hurst | USA |
1972 | HP 35 – première calculatrice scientifique | T. Osborne | USA |
1974 | protocole TCP/IP | V. Cerf – B. Kahn | USA |
1976 | Super calculteur Cray-1 | S. Cray | USA |
1977 | Apple II – premier ordinateur personnel | S. Wozniac | USA |
1980 | Téléphonie mobile – norme GSM | Europe | |
1981 | IBM PC | USA | |
1983 | GNU logiciel libre | R. Stallman | USA |
1986 | fin officielle de la règle à calculer en France | ||
(autorisation des calculatrices aux exams) | |||
1992 | protocole http – World Wide Web | T. Berners-Lee | Anglet. |
1998 | société Google | L. Page – S. Brin | USA |
2007 | smartphone Apple iPhone | USA | |
2012 | Raspberry Pi – nano ordinateur à 25$ | Cambridge Univ. | Anglet. |
Conclusion
Réduire l’effort des calculs et valider leurs résultats sont des besoins exprimés à travers les premiers écrits de Mésopotamie. Les moyens de calcul ont évolué lentement pendant des siècles, à la fois théoriquement avec l’algèbre, mais également techniquement avec des instruments et des machines. Côté technique, deux branches ont avancé parallèlement : le calcul numérique, et le calcul analogique. John Napier a œuvré dans les deux branches en inventant ses bâtons et ses logarithmes. Les bâtons annonçaient les possibilités mécaniques du calcul numérique sur les entiers. Les logarithmes ont servi de base aux calculs analogiques sur les réels, avec la règle à calculer dont on n’a pu se passer de 1620 à 1972.
Les instruments de calcul numérique ont été successivement mécaniques, électromécaniques, électroniques puis informatiques. Bien que ces technologies soient différentes, l’avancée du calcul numérique est restée continue car ancrée constamment sur la logique des entiers (arithmétique, bases, algèbre de Boole).
En 1972, les deux branches du calcul se sont rejoint, plus précisément, une branche a absorbé l’autre. Le calcul numérique est resté ce qu’il était, et a intégré les réels dans sa logique sous forme de nombres à virgule flottante. On a ainsi converti les réels sous forme d’entiers. Finalement, en appliquant cette recette à tout type d’information, le calcul numérique est devenu l’informatique.
Pour revenir à l’adjectif numérique. Il n’est pas ambigu lorsqu’il se réfère aux nombres. Le pavé numérique, est la partie du clavier où les touches sont des chiffres. Il n’est pas ambigu non plus lorsqu’il signifie non analogique. Le traitement numérique du son implique que le son ait été numérisé, passé par un convertisseur analogique-numérique. En tant qu’adjectif, existe-t-il un autre sens (non ambigu évidemment)?
En tant que nom, le numérique vient directement de l’adjectif. Il définit toutes les pratiques et techniques reposant sur des informations numérisées. Il s’agit donc de l’informatique qui incorpore maintenant les réseaux, les télecommunications et le multimédia. Le numérique (l’informatique) est maintenant partout, le préciser revient à ne rien dire, sauf pour signifier explicitement son absence.
La mode du numérique a engendré un brouillard sémantique très épais dans lequel beaucoup de gens se perdent. Attention aux discours et aux intentions de la fée numérique, ils sont rarement scientifiques ni bienveillants. Et c’est loin d’être fini, car avec l’intelligence artificielle et l’ordinateur quantique, deux nouvelles fées pointent le bout de leur nez !
Petite histoire des moyens de calcul de Jean Hommet est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.